Les Assises Nationales de la Refondation (ANR) se sont déroulées, les mercredi 15 et jeudi 16 décembre 2021, dans les cercles du Mali et les communes du District de Bamako. La MODELE MALI a déployé 57 Observateurs à Long Terme (OLT) pour suivre les ANR. Elle a également mis en place un dispositif de 11 OLT au niveau national pour analyser et traiter les données remontées.
Le présent rapport est la synthèse des informations recueillies concernant :
- La synthèse générale ;
- L’ouverture des travaux ;
- Le déroulement ;
- Les conditions sécuritaires ;
- Les points de discussions ; et
- Les recommandations.
1 – La synthèse générale
Les ANR au niveau des cercles du Mali et des communes du district de Bamako, à l’instar de la phase des communes, ont suscité l’intérêt des participants. La participation des jeunes et des femmes a été d’un niveau inégal selon les localités.
Les grandes orientations observées lors de cette phase ont concerné, entre autres, la sécurisation des personnes et des biens sur l’étendue du territoire national, le retour de l’administration et des services sociaux de base, la relecture de la Constitution et de la Charte des partis politiques.
La prolongation de la transition de 6 mois à 3 ans a été évoquée lors de la phase des cercles, contrairement à la phase des communes où le sujet n’a pratiquement pas été abordé.
Il a été aussi noté :
La non tenue des ANR dans la région de Kidal et le cercle de Ménaka ;
La méthodologie disparate, selon les localités, dans l’organisation des travaux de groupe et des plénières ;
La non adoption de la synthèse générale par les participants en commune V du district de Bamako.
2 – L’ouverture des travaux :
Dans l’ensemble, les cérémonies d’ouverture et de clôture ont été présidées par les autorités compétentes en la matière : les Préfets accompagnés des maires et des points focaux des ANR.
Illustration de la participation des femmes et des jeunes par cercle dans la région de Mopti :
Cercles | Nombre de participants prévus | Nombre de participants présents | Femmes | Jeunes | Personnes vivant avec Handicap |
Bandiagara | 100 | 100 | 16 | 25 | |
Bankass | 100 | 100 | 20 | 52 | 1 |
Djenné | 100 | 95 | 6 | – | |
Douentza | 100 | 95 | 4 | 1 | |
Mopti | 100 | 132 | 32 | – | 1 |
Koro | 100 | 88 | 4 | – | |
Tenenkou | 100 | 100 | 8 | – | |
Youwarou | 100 | 95 | 25 | – | |
TOTAL | 800 | 805 | 115 | 77 | 2 |
Suite à l’analyse de la qualité des participants, le constat qui se dégage est la participation moyenne des femmes et la faible représentation des jeunes et des personnes vivant avec handicap. Quant aux partis politiques leur participation a été très mitigées à différents endroits ainsi on peut citer quelques-uns qui étaient représentés : KORO : (ADEMA, UM-RDA, UMP, MPM, CNID, MPR, URD, PSP, PACP, PIDS, UFD) ; Mopti : (ADEMA, PDES. FARE, URD, UDD, CNID, UM-RDA, YELEMA, MPR, MPM, UMP, ADP- Maliba).
Dans la région de Tombouctou, ont participé aux travaux des représentants des chefs traditionnels et coutumiers, des organisations de femmes et de jeunes et d’associations de personnes vivant avec handicap. On note la participation des partis politiques URD, RPM, MPM, MPR, YELEMA, CODEM, PARENA, RAMAT, RDS, ADEMA, CNID et ADP MALIBA ainsi que celle des représentants des groupes armés CMA, PLATEFORME et CMI. Si au niveau des présidiums, on note en moyenne une femme par cercle, elles sont dans l’ensemble faiblement représentées dans les débats (12/84 à Tombouctou, 9/77 à Niafunké, 7/100 à Goundam et 9/96 à Diré).
Dans la région de Gao, le niveau de participation était satisfaisant avec une représentativité des femmes assez importante. Dans le cercle d’Ansongo par exemple nous comptons 45 femmes sur les 100 participants. La situation à Ménaka est toujours la même depuis l’interruption des travaux par les Groupes du Cadre Stratégique Permanent (CSP), qui regroupe des mouvements armés signataires de l’Accord d’Alger et qui est strictement contre la tenue des Assises. Les Assises du niveau cercle n’ont pu se tenir à Ménaka.
A Bamako, rive droite, les présidiums étaient composés de 6 personnes en commune V dont 2 femmes et 3 jeunes et 8 personnes en commune VI dont 4 femmes et 2 jeunes.
3 – Le déroulement des travaux :
La méthodologie de travail a varié en fonction des cercles.
Dans la région de Sikasso, dans l’ensemble des zones observées, les participants étaient libres d’exprimer leurs opinions. Tout comme au niveau des communes, les représentants du RPM, CODEM, SADI, YELEMA et PARENA ont pris part aux travaux. Le mot d’ordre de boycott du niveau national n’a pas été suivi partout, au niveau local. Les participants ont été répartis en deux groupes dans toutes les localités observées. Les points focaux, dotés des fiches thématiques ont conduit les débats qui se sont déroulés sans incidents.
Dans la région de Tombouctou, les cercles de Tombouctou, Diré et Goundam ont mis en place deux groupes de travail présidés par deux personnalités assistées de deux rapporteurs (tous choisis de façon consensuelle par les participants). Les 13 thématiques ont été traitées. Les documents de travail mis à leur disposition sont les fiches thématiques qui servent de référence et permettent d’orienter les débats et les TDR des assises nationales de la refondation. Les résultats de ces groupes ont, ensuite, été discutés en plénière pour observations et/ou amendements par l’ensemble des participants. A la différence des 03 cercles précités, Niafunké a adopté, de façon consensuelle, une analyse et la compilation de la synthèse des résultats des assises tenues au niveau communal.
Dans les communes V et VI du District de Bamako, les travaux n’ont pu démarrer qu’à 13 heures à cause des divergences sur la désignation des membres du présidium : Présidents, Rapporteurs, Modérateurs. Cela a eu une incidence sur le déroulement normal des travaux. Une seule thématique a pu être traitée le premier jour et les forces de l’ordre ont dû intervenir pour éviter une bagarre généralisée. Les participants parlaient librement et les temps de parole étaient bien répartis. La commune V n’a pas fini le traitement des thèmes durant les deux jours. Les travaux ont continué jusqu’à 4 heures du matin. Finalement, le Président et le rapporteur ont rédigé la synthèse générale le vendredi 17 décembre 2021, en l’absence des autres participants.
4 – Les conditions sécuritaires ;
Durant les deux journées, aucun incident sécuritaire majeur n’a émaillé le déroulement des ANR dans les cercles observés.
Toutefois, dans la région de Tombouctou, les antennes réseaux des opérateurs téléphoniques Malitel et Orange ont été saccagées par des individus armés non identifiés. Aussi, la mission n’a pas pu collecter, à ce stade, d’information sur le déroulement dans le cercle de Gourma Rharous.
5 – Les points de discussion :
La question de prorogation de la transition, contrairement au niveau des communes, est apparue dans les débats au niveau des cercles.
Dans la région de Kayes, les participants ont estimé que la question de l’esclavage par ascendance doit faire l’objet d’une thématique à part entière. Le cercle de Kayes propose un État unitaire, républicain, laïc, démocratique, souverain et décentralisé avec la mise à disposition des moyens aux collectivités de façon intégrale. Dans le cercle de Diéma, les 78 participants proposent la sécurisation du territoire et le redéploiement de l’administration et des services sociaux de base pour pallier cette insécurité. Dans le cercle de Yélimané, les 81 participants proposent la limitation du nombre des partis politiques.
Dans les 7 cercles de la région de Koulikoro, les principaux points de discussion relevés sont entre autres : – la participation des citoyens dans la gestion des affaires publiques ; – la redevabilité des dirigeants ; – la suppression du financement des partis politiques ; – la suppression du Haut Conseil des Collectivités Locales, de la Haute Cour de Justice et du – Conseil Économique Social et Culturel ; – la réforme du secteur de la sécurité et la révision de la Constitution.
Dans la région de Sikasso les principaux points de discussion relevés sont entre autres : – les mécanismes de contrôle citoyen de la gestion des affaires publiques ; – le redéploiement des forces de défense, de sécurité et de l’administration sur toute l’étendue du territoire national, – la réforme du système des partis politiques ; – la gestion des ressources minières; – la souveraineté ; – la stabilité des cadres dans les hautes fonctions de l’État ; – l’emploi des jeunes ; – l’éducation et surtout la gestion de la crise actuelle avec les enseignants.
Dans la région de Tombouctou, sur les 13 thématiques abordées, celles relatives à la Sécurité, à la Gouvernance et à la gestion des partis politiques ont été les plus largement débattues. S’agissant de la question sécuritaire, les débats ont porté sur la sécurisation des villes et des routes à Tombouctou, sur les conditions de recrutement au sein des forces de défense et de Sécurité et sur la gestion efficiente des troupes à Diré et à Niafunké, sur la lutte contre le trafic d’armes et de stupéfiants à Goundam. Pour ce qui est de la Gouvernance, on retient au centre des préoccupations dans tous les cercles : – le détournement des fonds publics et la faiblesse des mécanismes de contrôle de l’action publique ; – la disparité entre les salaires des fonctionnaires et la récurrence des grèves. Par rapport à la gestion des partis politiques, les discussions ont porté surtout sur leur nombre et leur financement ainsi que les lois qui régissent leur fonctionnement. On note enfin que les représentants de la CMA ont beaucoup insisté sur la mise en œuvre de l’accord pour la paix, notamment à Diré.
Dans la région de GAO, nous avons assisté à de grandes discussions dans les groupes autour de certaines thématiques ; notamment celles relatives à la gouvernance, la sécurité, les élections, la justice et l’éducation. A Ansongo, après de longues discussions autour de la thématique 1, les participants ont proposé de prolonger la transition de deux ans. Ils ont aussi jugé important de procéder très rapidement à des réformes notamment dans les domaines de la justice, la sécurité et la justice.
6 – Les recommandations
Dans l’ensemble, les principales recommandations portent sur :
- La sécurisation des personnes et de leurs biens sur l’ensemble du territoire ;
- Le retour de l’administration sur toute l’étendue du territoire national ;
- Le maintien de la forme démocratique et laïque de l’État ;
- La révision de la Constitution ;
- La relecture de la Charte des partis politiques ;
- La mise en place d’un régime semi-présidentiel ;
- La relecture des accords miniers existants entre le Mali et les sociétés minières ;
- L’exigence de l’éducation civique et morale dans le cursus scolaire ;
- L’opérationnalisation de la réorganisation territoriale ;
- La subvention de l’engrais et des semences de bonne qualité aux paysans ;
- La représentation de chaque cercle au sein du comité de suivi des recommandations des ANR ;
- L’instauration des enquêtes de moralité pour des nominations à certains postes clés de l’administration.
- La révision de tous les accords de défense qui ne sont pas dans l’intérêt du Mali,
- Le parachèvement du processus de Désarmement Démobilisation et Réinsertion ;
- L’équipement de l’armée
- L’amélioration des conditions de vie et de travail des fonctionnaires ;
- La lutte contre l’impunité ;
- L’utilisation des mécanismes traditionnels pour recoudre le tissu social et prévenir les conflits ;
- La prolongation de la durée de la Transition entre 6 mois et 3 ans ;
- La suppression de certaines institutions comme la haute cour de justice, le Conseil économique, social et culturel, le Haut conseil des collectivités, etc.
- Le parachèvement du processus de désarmement des groupes armée ;
- La dépolitisation de la société civile et des syndicats ;
- La création d’un organe de contrôle pour servir de garde-fou contre les dérapages judicaires ;
- La réglementation des écoles coraniques.
Contact Presse
Dr Ibrahima SANGHO, Chef de mission MODELE Mali – Téléphone : +223 76 23 36 00
Email :ibrahima.sangho11@gmail.com
ANNEXES
Quelques recommandations par cercle dans la région de Mopti :
CERCLES | RECOMMANDATIONS |
Bandiagara | L’accélération de la création des services régionaux,La Création d’un camp militaire à Bandiagara. |
Bankass | La sécurisation des populations et leurs biens sur l’axe Bankass et Bandiagara;Créer le haut conseil de légitimité coutumière et traditionnelÉriger les Arrondissements de Diallassagou, Sokoura et Baye en CercleFaire revenir des déplacés avant la tenue des élections |
Djenné | La sécurisation de l’ensemble du territoire national avant les élections.La prolongation de la transition pour 3 ans. |
Douentza | Réhabiliter la route RN 16 c’est à dire la route Gao-Mopti. Prolonger la durée de la transition d’une année en vue de permettre une bonne élection. Tenir compte des recommandations issues des assises, en fonction du milieu. Créer le haut conseil des légitimités coutumières et traditionnelles. |
Koro | Ériger Koro en Région, Sécuriser la RN 15 (route du poisson) Organiser le retour de l’administration et les déplacés internes Exécution de la mise en œuvre du plan stratégique de l’assainissement de la ville de KoroRelance les travaux de constriction l’axe Douentza et Koro, Koro Dinagourou |
Mopti | Ériger la région de Mopti en districtLa réouverture des écoles ferméesIntégration d’office des enseignants des écoles communautaires pour l’éducation de base |
Tenenkou | Bien gérer la fiscalité et les dépenses publiques Mettre en valeur les cultures tout en valorisant les sites touristiques Lutter contre le terrorisme à tous les niveauxFaire un découpage consensuel du territoire |
Youwarou | Libérer le pays, enrôler tous les nouveaux majeurs sur le fichier électoral avant de parler d’élections.Le non transfert de l’éducation et la santé aux collectivités.Donner un temps précis et raisonnable pour la durée de la transition.Réviser la constitution.Œuvrer à la relecture de l’accord issue du processus d’Alger.Le retour rapide des services sociaux de base.Rétablissement des réseaux téléphoniques |